PNR Périgord-Limousin
Les eaux de la discorde en Périgord-Limousin :
à la suite des manifestations de fin février, le parc naturel régional
Périgord-Limousin a organisé une réunion avec des agriculteurs pour évoquer,
entre autres, les zones humides.
Les paradoxes administratifs
Protéger les élevages de
la tuberculose bovine ou préserver l’eau et les zones humides ? Sans doute
un résumé un peu simpliste mais au sein du Parc naturel régional
Périgord-Limousin, nombre d’agriculteurs ont l’impression de faire face à ce
dilemme. C’est ce qu’ils avaient exprimé fin février en manifestant devant le
siège du PNR, à La Coquille. Vendredi dernier, le 3 mai, certains de ces
éleveurs ont pu s’exprimer longuement lors d’une réunion organisée par le PNR à
la salle polyvalente de Firbeix. « Ce n’est pas la première fois que
nous nous rendons compte que le PNR n’est pas toujours très bien perçu »,
déplore en préambule, Philippe François, vice-président du PNR en charge des
milieux aquatiques. Le maire de Firbeix, et ancien agriculteur, rappelle qu’il
a souhaité cette réunion pour permettre à chacun de parler en toute franchise.
Philippe
François, vice-président du PNR en charge des milieux aquatiques, a présidé
cette réunion dans sa commune de Firbeix.
(Photo :
Lionel Robin)
Si tous les présents ont
pu profiter de ce temps de parole, c’est bien ceux qui n’étaient pas là que les
participants auraient aimé entendre. Autant dire que les absences des services
de l’État, DDETSPP et DDT en tête, des deux départements de la Haute-Vienne et de
la Dordogne, tout comme les Chambres d’agriculture, ne sont pas passées
inaperçues. En effet, ce qui est en jeu est la difficulté de mettre en place
des systèmes d’abreuvement respectant les mesures de biosécurité, en
particulier dans le cadre de la lutte contre la tuberculose bovine, et
respecter la loi sur l’eau et les réglementations qui l’accompagnent. Or, sur
le territoire du PNR, les éleveurs font d’abord appel aux techniciens du PNR,
notamment pour instruire leur dossier ouvrant droit à des aides.
Deux outils particuliers
Le directeur adjoint du
PNR, Frédéric Dupuy, puis le technicien en charge de ce dossier, Guillaume
Deyzac, ont rappelé la politique du PNR en ce qui concerne l’agriculture et
l’eau. D’abord, les actions du PNR obéissent à une charte, qui est un document
de référence, adoptée et validée par l’ensemble des communes adhérentes.
Comment
concilier la préservation des zones humides et la biosécurité ? C’était tout
l’enjeu d’une réunion organisée par le PNR aux confins de la Haute-Vienne et de
la Dordogne.
(Photo
: Lionel Robin).
Parmi les cinq axes qui
charpentent cette charte, deux sont en lien direct avec l’agriculture :
améliorer la qualité et la quantité d’eau ; préserver la biodiversité. En
particulier sur le premier axe ça signifie le bon fonctionnement des rivières,
la gestion des étangs, les usages de l’eau, le diagnostic des zones humides et
leur gestion. Pour mener ces actions, le PNR dispose aujourd’hui de deux outils
principaux, le Gemapi et la CATZHE.
La compétence Gemapi
(Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) est normalement
dévolue aux communautés de communes mais certaines sur le territoire du PNR
l’ont déléguée au parc. La programmation est en cours de rédaction.
La CATZHE est la Cellule
d’assistance technique aux zones humides, un outil mis en place par l’Agence de
l’eau Adour-Garonne dont les deux déléguées de Brive étaient présentes ce
vendredi 3 mai à Firbeix. Pour résumer, cette cellule est une animation territoriale
doublée de conseils techniques ouvrant droit à un accompagnement, y compris
financier, pour réaliser des travaux d’abreuvement ou de préservation des
berges. Évidemment, un technicien du PNR est tenu de respecter la
réglementation en vigueur. Par ailleurs, plusieurs communes du parc impactées
par la tuberculose bovine, certaines en Dordogne, d’autres en Haute-Vienne,
font l’objet d’une expérimentation régionale qui vise à financer, très
largement, des mesures de biosécurité, dont certaines concernent évidemment
l’accès à l’eau.
Pas le même langage
« Tout le monde
ne parle pas le même langage », s’insurge Jérémy Nadaud, éleveur à
Saint-Saud, en Dordogne, et membre de la Coordination Rurale. Une affirmation
que corrobore Rémi Gayout, éleveur à Firbeix et président du GDS Dordogne. Il
rend compte d’une rencontre à la préfecture de Périgueux quelques jours plus
tôt où, effectivement « DDETSPP et DDT ne parlent pas le même langage
». Pour autant, Philippe François martèle : « Nous ne sommes pas la police
de l’eau ! »
Jérémy
Nadaud pour la Coordination Rurale Dordogne, Fabrice Château, directeur du PNR,
les éleveurs David Romain et Nicolas Robert, et Colette Langlade,
vice-présidente du Conseil régional Nouvelle-Aquitaine, ont participé à cette
réunion.
(Ph.
L. Robin)
Tour à tour, les éleveurs
présents, Nicolas Robert de Saint-Paul-la-Roche, David Romain de
Saint-Saud-Lacoussière ou Francis Gadonneix, disent leur désarroi face aux
besoins de protéger leurs élevages sans pour autant vouloir empêcher la
préservation de l’eau et des zones humides. Mais ils aimeraient plus de
souplesse, la capacité de l’Administration de comprendre que, ponctuellement,
faire une entorse à la réglementation permet de mieux protéger une zone humide
ici. Au risque sinon, au mieux, de ne rien faire, au pire de se mettre dans
l’illégalité. Surtout, ils réclament de l’attention et un soutien accru du
parc.
La
CDAAS a pu décrire le dispositif expérimental d’audit biosécurité mis en place
sur des communes du PNR qui permet de bénéficier de 80 % d’aides.
(Photo CDAAS)
Du côté de la CDAAS, Aurore
Raffier et Émilie Peyrat étaient accompagnées des administratrices Françoise
Forestier et Flavie Jousse. Ces dernières poussent à la concertation avec la
volonté de travailler ensemble.
En conclusion, un groupe
de réflexion avec des agriculteurs devrait être créé au sein du PNR. Enfin, les
cas litigieux seront accompagnés par le PNR, y compris en matière d’ingénierie
financière. Au final, et malgré les absences, tout le monde a fait un pas vers
l’autre pour rester capable de discuter sereinement autour d’une table.
Lionel Robin
10 mai 2024